Pour mieux préserver la biodiversité à l’échelle internationale, un article publié aujourd’hui dans la revue Landscape Ecology appelle à repenser de manière élargie le concept de "réseaux écologiques", ainsi que les causes de leur fragmentation et les moyens de leur préservation.
Comme l’écrivent les auteurs (parmi lesquels notre collègue Jérémie Cornuau), la notion de "réseaux écologiques" est restée jusqu'à présent centrée sur les espaces naturels situés à la surface de la Terre (forêts, prairies, milieux aquatiques, etc.) et sur les perturbations humaines qui viennent modifier et fragmenter "physiquement" ces milieux (par exemple des routes, des barrages, des coupes forestières, etc.).
Cette approche conduit de fait à négliger une partie importante des réalités écosystémiques, notamment la biodiversité des sols, les déplacements aériens des espèces volantes, l’impact des nuisances lumineuses, sonores ou olfactives liées aux activités humaines.
L’article propose donc de passer désormais à une conception "multi-dimensionnelle" des réseaux écologiques. Il s’agit de décliner ce qui, en France, sous-tend le concept de trame verte et bleue (et qui, à l’échelle internationale, est rassemblé sous l’appellation "green infrastructure")
- trame "aérienne", pour les espèces volantes
- trame souterraine ou "brune", pour la faune du sol
- trame "noire", pour l’obscurité nocturne
- trame silencieuse ou "blanche" (en référence au "bruit blanc")
- trame olfactive, centrée sur les odeurs anthropiques
Pour réussir à intégrer cette approche multi-dimensionnelle dans les stratégies de planification territoriale, les auteurs invitent à suivre une démarche en plusieurs étapes :
- d’abord, diagnostiquer, à l’échelle du territoire étudié, la qualité des habitats et les obstacles physiques dans tous les compartiments de vie des espèces (aérien, terrestre, aquatique, sous-terrain) et les facteurs de perturbation qui s’y exercent (lumière artificielle, bruit routier, odeurs industrielles, etc.) ;
- ensuite, sélectionner des groupes d’espèces sensibles à plusieurs perturbations, représentatifs de différents habitats ou environnements, et possédant des cycles de vie différents
- modéliser la vie et les déplacements de ces espèces dans l’ensemble du paysage (c’est-à-dire des airs au sous-sol), afin d’aboutir à une cartographie des réseaux écologiques qui prenne en compte l’ensemble des dimensions étudiées
- s’appuyer sur la concertation et un relais politique ambitieux afin de transformer ces résultats scientifiques en trame écologique multi-dimensionnelle, c’est-à-dire un outil de pilotage stratégique à l’échelle territoriale
- enfin, déployer des actions de préservation et de restauration des continuités écologiques.